Créateur

Je suis intimement convaincue que nous sommes uniquement et avant toute chose des créateurs.

Mon rêve le plus intime, le plus fou, mon rêve ultime, serait de mettre au monde un refuge dans lequel proposer à tout âge de révéler cette toute puissance qui est la nôtre. C’est pour moi la seule expression de la beauté du monde.

Mon citation préférée n’est-elle pas celle de René Char : « Dans nos ténèbres il n’y a pas une place pour la beauté, toute la place est pour la beauté. »

C’est pourquoi je pense que nous sommes tous des artistes. L’humain a choisi de cantonner ce terme à la peinture, la sculpture, le dessin, la musique, la danse, la comédie,… Pourtant chaque fois que je suis en présence d’une personne qui effectue une tâche avec le visage empreint de joie, je ne peux m’empêcher de penser que c’est de l’art.

Tiens, hier je suis rentrée chez un chocolatier manifestement habité, j’ai pensé « c’est de l’art ! ». Et cela vaut pour toute chose, tout est dans la transfiguration qui émane du geste ou du verbe. L’art est reconnaissable à la lumière sur le visage de la personne qui le crée.

Je rêve d’un monde ou le mot « métier «  disparaisse de notre vocabulaire. Quand une personne crée elle n’exerce jamais un métier, elle ne songe pas au service, étymologiquement au « ministère » qu’elle occupe, elle crée à partir de ce qui fait sa singularité.

Toi, être unique, tu ne croiseras jamais ton équivalent, dusses-tu vivre mille milliards de milliards d’années ! Vertigineux ! Prodigieux non ?

Alors tu peux bien être assureur ou coiffeur, mécano ou jardinier, ça ne reste qu’un compartiment de toi-même, en aucun cas l’expression de toi-même. Ne choisis pas «mécano » pour remplir une fonction, pour combler un besoin de société. Choisis mécano parce que les boulons et la graisse sont comme un aimant vers lequel toutes tes pensées convergent, parce que tu ressens intuitivement que ta force créatrice pourra s’y déployer.

Utopie ? Je ne le pense pas.

J’ai mis de très nombreuses années à oser employer le mot artiste pour me qualifier. J’étais tellement convaincue que cela concernait un nombre très restreint de disciplines. Et encore parmi celles-ci un nombre très restreint de personnes. Je songeais que seuls les Mozart ou les De Vinci méritaient le titre. Ou bien à la limite ceux qui ont suivi un parcours artistique « sérieux ».

Cette pensée est partagée par le plus grand nombre.

Je la balaye aujourd’hui du revers de la manche, je suis artiste à partir du moment où je laisse la voie libre à la force créatrice qui est en moi, tous domaines confondus.

A l’instant même où je laisse la lumière filtrer par la porte de mon être, je suis artiste. Elle suinte alors de partout, envahit tout, se confond avec moi-même. Je découvre que je suis lumière, que je n’ai jamais été rien d’autre que cela.

Cette vérité explique sans doute le succès du fameux livre de Julia Cameron « Libérez votre créativité » depuis quelques années déjà. Personnellement il a changé ma vie.

Qu’y propose t-elle ? D’entrouvrir la porte précisément. Des petits exercices en apparence anodins et sans conséquence qui ont pourtant pour effet de mettre un pied dans l’ouverture.

C’est la sculpture qui a pointé le bout de son nez, alors on me dira artiste. Honnêtement, cela n’a rien à voir. Je suis artiste parce que je crée à partir de ce qui m’anime. Tout comme j’étais artiste lorsque j’enseignais à des enfants, animée par la même ferveur.

Tiens, constate toi-même le non-sens : La catégorisation pousse la société à distinguer les artisans des artistes ! Les premiers auraient une visée commerciale et les seconds une unique motivation liée au plaisir. Je n’invente rien, historiquement c’est la distinction qu’on en fait. As-tu déjà croisé un artisan qui dure sans être habité par sa lumière créatrice ? As-tu déjà croisé un artiste qui n’ait pas eu besoin de manger ? Pire encore, sais-tu qu’ayant été catégorisée artisan tout en faisant de la sculpture, on m’a suggéré de me classer dans la rubrique « artisanat d’art ». J’en ris encore. L’artisanat d’art. L’être humain est fabuleux.

En vérité je me fiche pas mal aujourd’hui d’être qualifiée d’artiste. Moi qui ai longtemps rêvé de l’être, c’est maintenant que je le suis aux yeux des autres que je n’en vois plus l’utilité.

La seule pensée qui me soit précieuse est de savoir qu’il y a là, quelque part au fond de mon garage-atelier, un bloc de terre qui m’attend et un peu plus loin, au fond du jardin, un endroit où brûle mon feu intérieur. Pour le temps qui est le mien.

Bien à toi

Florence

PS : Oui j’ai dit « dicton” de René Char et non citation car pour moi c’est devenu vraiment un dicton, une phrase qui “dicte le ton” de ma vie.